Ecole Thématique, 27 juin - 1er juillet
Une école thématique “Philosophie des Mathématiques” sera organisée à Toulouse du 27 juin au 1er juillet en partenariat avec le GDR “Philosophie des Mathématiques” dirigé par Jean-Jacques SZCZECINIARZ et le projet ANR-DFG MathObRe porté par Gerhard HEINZMANN, Université de Lorraine/CNRS, Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri-Poincaré (UMR 7117) et Marco PANZA, Institut d’Histoire des Sciences et des Techniques, UMR 8590, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/CNRS.
Le thème retenu est l'objectivité mathématique. L'école thématique consistera en cours de mathématiques et exposés (le matin) et cours de philosophie (l'après-midi).
L'OBJECTIVITE MATHEMATIQUE
IMT, Bât 1R2, salle 207, 27 juin-1er juillet
***TRANSPARENTS***
Programme scientifique
Lundi 27 juin
Etienne FIEUX (Université Paul Sabatier, IMT), Lundi 27 juin, 8h45-10h15, Evasivité (I).
Au départ, il s'agit d'une question de complexité algorithmique. Nous montrerons comment des méthodes de combinatoire topologique ont permis de résoudre certains cas particuliers de la conjecture d'évasivité, illustrant ainsi l'intrusion du "continu" dans la résolution de questions de nature "discrète".
Andrew ARANA (Univ. Paris 1, IHPST), Lundi 27 juin, 10h30-12h30, La pureté et la délimitation des objets
On dit souvent que la preuve d’un théorème est « pure » si cette preuve n’utilise que des notions « proches » ou « intrinsèques » au théorème. Cependant, notre compréhension de ces mesures de distance reste faible ; dans la vie mathématique quotidienne, on a une idée informelle et provisoire de la distance entre des preuves et des théorèmes. Par exemple, on dit typiquement que les méthodes analytiques sont « loin » des théorèmes de la théorie élémentaire des nombres. Je discuterai des tentatives pour clarifier cette idée de la distance entre preuves et théorèmes. J’examinerai aussi la question de savoir si cette idée informelle de la distance pourrait clarifier notre conception des objets mathématiques et leur délimitation ; ou si notre conception de la distance entre preuves et théorèmes est fondée elle-même sur une compréhension (peut-être également informelle) de la délimitation des objets mathématiques.
David RABOUIN (CNRS, SPHERE), Lundi 27 juin, 14h30-17h30, Constitution de l’objet et unité des mathématiques d’Aristote à Leibniz
La question de la constitution de l’objet mathématique est souvent abordée en philosophie du point de vue de la nature de cet objet (le type d’entité qu’il est). Pourtant, dès les premières réflexions philosophiques, cette question sur la nature de l’objet est couplée avec une autre, portant sur l’unité du domaine d’étude dont il relève. Les mathématiques ont en effet ceci de singulier qu’elles se donnent d’emblée comme une science, mais traitant de différents genres d’être (typiquement des nombres et des grandeurs). Ce constat joua même un rôle crucial dans la thématisation par Aristote de ce qu’est pour un savoir scientifique d’avoir un objet ou un « genre » d’être à étudier. Il insista sur le fait que cette donnée force à la fois la manière dont doit fonctionner le savoir scientifique, mais aussi le type d’entité sur lequel il porte. En partant de cette position du problème, on présentera plusieurs réponses apportées à travers l’histoire au défi lancé par Aristote. On s’intéressera en particulier à l’évolution qui est censée avoir eu lieu à la fin du XVIème siècle, avec l’émergence de l’algèbre symbolique et l’apparition d’un concept élargi de nombre (comme entité symbolique). On montrera, en opposition aux thèses classiques de Jakob Klein, que cet élargissement était encore très loin d’être acquis à la fin du XVIIème siècle et que d’autres types d’unification lui faisaient concurrence depuis l’Antiquité tardive, notamment par référence au rôle de l’imagination en mathématiques.
Mardi 28 juin
Etienne FIEUX (Université Paul Sabatier, IMT), Mardi 28 juin, 8h45-10h15, Evasivité (II).
Au départ, il s'agit d'une question de complexité algorithmique. Nous montrerons comment des méthodes de combinatoire topologique ont permis de résoudre certains cas particuliers de la conjecture d'évasivité, illustrant ainsi l'intrusion du "continu" dans la résolution de questions de nature "discrète".
Gerhard HEINZMANN (Univ. Lorraine, AHP), Mardi 28 juin, 10h30-12h30, Objectivité et sémiologie mathématiques : les ingrédients structuralistes de la compréhension en mathématiques
Bourbaki défendait la vue que les mathématiques ne traitent pas d’objets, mais que leur objectivité est fondée exclusivement sur la stipulation de structures et leurs élaboration en hiérarchie. Les fondements hypothetico-déductifs bourbachistes était explicitement conçus comme neutres par rapport aux fondements philosophiques et s’opposent en ce sens au tournant pratique en philosophie des mathématiques dont nous sommes aujourd’hui encore le témoin. Ce tournant suggère, d’une part, de poser la question de la relation de la philosophie des mathématiques avec le pragmatisme philosophique et, d’autre part, de sa relation avec la compréhension de ce que fait le « working mathematician » : Peirce et Bourbaki.
Dans mon exposé, je défends la thèse principale que la « French-Connection » — Poincaré, Lautman, Cavaillès, Bourbaki — doit être considérée comme source du structuralisme mathématique qui, selon le point de vue d’une reconstruction rationnelle, semble pouvoir éviter les difficultés du structuralisme philosophique moderne, en intégrant une perspective pragmatique et sémiotique. En effet, une connaissance incomplète revient à une ontologie incomplète : les seuls ‘objets’ mathématiques sont des structures qui ne sont plus sous-déterminées mais en tant que propriétés relationnelles indéterminées. Si on reste dans le cadre d’une sémantique ‘tarskienne’, de tels ‘objets’ vagues impliquent probablement la nécessité de passer à une logique non classique ; par contre, dans une sémantique pragmatique un ‘objet’ ou une structure vague n’est rien d’autre qu’une relation du deuxième ordre, donc un concept R(P1,...,Pn) ≈ a (P1,...,Pn) U b(P1,...,Pn) U ... — où ‘≈' signifie l’exemplification de ‘R’, dans un sens sémiotique, par un système d’axiomes a,b, ... d’un ordre inférieur — dont la signification est à élaborer selon la maxime pragmatique de Peirce.
Marco PANZA (CNRS, IHPST), Mardi 28 juin, 14h30-17h30, La notion de fonction de Lagrange à Frege
Au XVIIIème siècle Euler et Lagrange (entre autres) ont proposé une fondation de l'analyse centrée sur la notion de fonction : l'analyse est conçue comme le théorie générale des fonctions. Une fonction est alors pensée comme une quantité exprimée par une forme (analytique). Le double volet de cette conception (quantité et forme) était essentiel à la fondation proposée. Le développement de l'analyse (en particulier du calcul intégral, ou, dans la version de Lagrange, du calcul inverse des fonctions dérivées) a montré, cependant, les limites de cette conception. Un changement radical a été proposé par Cauchy, qui a suggéré de penser une fonction comme étant définie sur un domaine donné à l'avance, celui des nombres réels et complexes, en particulier. De cette manière, la notion de fonction a perdu sa centralité fondationelle et l'exigence de définir les nombres sans recourir à cette notion est apparue. C'est le programme d'arithmétisation de l'analyse.
Avec Frege la notion de fonction se généralise et retrouve sa centralité en tant que notion logique. Elle est donc employée pour définir les nombres naturels et réels (une définition des complexes aurait aisément suivi sans la découverte de la contradiction de Russell). Le logicisme de Frege s'oppose donc radicalement à l'arithmétisation de l'analyse. Mais, indépendamment de la contradiction de Russell, la notion de fonction de Frege a ses difficultés, qu'on pense souvent résoudre au moyen d’une conception ensembliste et extensionnelle d'une fonction come ensemble de couples. Mais cela demanderait en toute rigueur de définir les ensembles sans utiliser la notion de fonction.
Le cours sera dévoué à reconstruire ce processus et les discussions correspondantes.
Mercredi 29 juin
Paola CANTÙ (CNRS, CEPERC), Mercredi 29 juin, 9h30-12h30, Epistémologie et ontologie des éléments idéaux
Le cours analysera l’introduction des éléments idéaux dans les mathématiques des XIXe et XXe siècles, en considérant certains exemples de Gauss, Pasch, Dedekind, Hilbert et Weyl. On soulignera le double rôle épistémologique et ontologique de la distinction entre réel et imaginaire. L’approche historique permettra ainsi de poser d’une façon inédite la question du rôle des éléments idéaux dans la constitution de l’objectivité mathématique.
Jean-Jacques SZCZECINIARZ (Univ. Paris Diderot, SPHERE), Mercredi 29 juin, 14h30-16h30, Sur la théorie des catégories (participation à confirmer)
tbc
Jeudi 30 juin
Jean-François BARRAUD (Université Paul Sabatier, IMT), Jeudi 30 juin, 8h45-10h15, Souplesse et rigidité en topologie symplectique.
La géométrie symplectique, issue de la mécanique, est à la fois très souple par certains aspects, et très rigide par d'autres. En prenant appui sur le théorème de "non squeezing" symplectique démontré par M. Gromov en 1985, je présenterai les outils qu'utilise aujourd'hui la topologie symplectique pour étudier ces phénomènes, et quelques questions qu'elle pose.
Référence possible : Michèle Audin, "Invariants en géométrie symplectique via les courbes holomorphes", Panoramas et Synthèses, 11 (2001) 1-59
Brice HALIMI (Univ. Paris Ouest, IREPH & SPHERE), Jeudi 30 juin, 10h30-12h30, Logique et domaine d’objets mathématiques
Si la logique, devenue méta-mathématique, s’est peu à peu établie, au cours du XXe siècle, sous la forme d’une théorie mathématique à part entière, elle demeure une discipline ancrée dans la philosophie et constitue un vecteur fondamental des échanges entre philosophie et mathématiques. Un enjeu central de la logique, à cet égard, est de penser le statut de l’objectivité mathématique et sa situation au regard de la sphère des objets de pensée en général. Cet enjeu concerne, non pas la nature des objets mathématiques (question que la logique n’aborde pas), mais plutôt la nature et la situation du domaine des objets mathématiques (ou des différents domaines d’objets mathématiques). L’option universaliste défendue par Frege et Russell consiste à fondre le domaine des objets mathématiques dans le domaine d’absolument tout ce qui est pensable, ce qui précipite le problème de la “généralité absolue” : peut-on sans contradiction poser un domaine de tous les objets? On s’intéressera en particulier à ce problème, mais on abordera également la question qui se pose dès lors que l’option universaliste n’est pas suivie : si un domaine d’objets mathématiques n’est pas conçu comme pré-intégré au domaine plus vaste du pensable, suivant quel cadre (ensembliste ou non) la logique assigne-t-elle un domaine d’objets cohérent à une théorie mathématique ?
Baptiste MELES (CNRS, AHP), Jeudi 30 juin, 14h30-17h30, L'auto-engendrement des objets mathématiques chez Cavaillès et Vuillemin
Si Jean Cavaillès et Jules Vuillemin ont cherché à dégager des formes de rationalité communes aux pensées mathématique et philosophique, ce n'était pas pour inféoder l'objectivité des mathématiques en la fondant sur une théorie de la connaissance qui lui soit extrinsèque — typiquement en cherchant la genèse de leurs objets dans une intuition sensible ou intellectuelle — mais au contraire pour montrer l'autonomie de la pensée mathématique dans son processus structural d'engendrement des objets.
C'est ainsi que Cavaillès s'efforce de dégager par la « dialectique » de quels procédés rationnels la pensée mathématique engendre de nouveaux objets à partir d'objets et de problèmes antérieurs. Vuillemin prolonge cette tâche dans le premier tome de la Philosophie de l'algèbre ainsi que dans le second, inédit, en montrant un autre aspect de cette dialectique : l'autonomie du mathématique est telle que la réflexion sur les mathématiques est elle-même devenue objet pour les mathématiques.
Bien loin de chercher ce que le philosophe devrait apprendre aux mathématiciens sur la constitution de leurs propres objets, Cavaillès et Vuillemin se sont donc efforcés de montrer ce que la rationalité mathématique à l'œuvre dans l'histoire pouvait apprendre au philosophe sur l'engendrement des objets rationnels en général.
Vendredi 1er juillet
Xavier BUFF (Université Paul Sabatier, IMT), Vendredi 1er juillet, 8h45-10h15, Systèmes dynamiques
En mathématiques, un système dynamique évolue généralement selon des lois qui sont parfaitement connues. Ce peut être par exemple une suite de nombre complexes définie par une récurrence polynomiale. Ce n'est pas parce que l'on connait bien la loi d'évolution que l'on peut pour autant prévoir le comportement à long terme des suites. En effet, le comportement peut être très sensible à de très petites variation des conditions initiales. C'est ce que Lorentz a popularisé sous le nom d'effet papillon. J'essayerai d'illustrer ce qu'est le chaos à l'aide de logiciels développés par Arnaud Chéritat. Je questionnerai ensuite la capacité des mathématiciens à faire des prévisions.
Sébastien GANDON (Univ. Clermont, PHIER), Vendredi 1er juillet, 10h30-12h30, Philosophie des pratiques mathématiques et épistémologie analytique : un rendez-vous manqué?.
Au point de départ, un constat: il y a peu d'interaction entre la philosophie des pratiques mathématiques et l'épistémologie analytique. Les deux communautés de recherche ont l'air de s'ignorer, alors même qu'elles étudient des objets proches et que leurs évolutions récentes offrent des ressemblances frappantes. Y a-t-il de bonnes raisons qui expliquent cette indifférence? Je ne le pense pas. J'essaierai d'illustrer dans mon intervention la fécondité d'un tel rapprochement en prenant plusieurs exemples, et en développant plus longuement une analyse de la notion de résolution de problème.
Jean-Michel SALANSKIS (Univ. Paris Ouest, IREPH), Vendredi 1er juillet, 14h30-17h30, Régimes de l’objet, de la vérité et de l’agir
On voudrait, dans ce cours, proposer comme cadre épistémologique de compréhension pour la mathématique contemporaine avant tout, mais aussi éventuellement pour la logique contemporaine et l'informatique théorique, la distinction entre objectivité constructive et objectivité corrélative.
On commencera par définir soigneusement les deux notions, bien entendu.
Puis on examinera ce que la perspective commandée par leur distinction apporte en philosophie des mathématiques, en prenant en compte la querelle entre Brouwer et Hilbert, la ou les conceptions logicistes, le dilemme de Benacerraf, et aussi le point de vue phénoménologique.
Puis, dans un troisième temps, on tentera de donner une idée de ce que la distinction apporte part rapport à divers développements scientifiques, en s'intéressant, comme nous l'avons dit, à la mathématique, la logique et l’informatique. Dans le cas de ces deux dernières, nous serons amenés à discuter aussi de la conception de l’agir possiblement liée à la distinction.
Organisation scientifique
Brice HALIMI (Univ. Paris Ouest, IREPH & SPHERE), David RABOUIN (CNRS, SPHERE), Sébastien MARONNE (Univ. Paul Sabatier, IMT & SPHERE)